L’évasion fiscale coûte chaque année entre 80 et 120 milliards d’euros à l’État. Pour moderniser et optimiser la lutte contre cette fraude, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) utilise l’intelligence artificielle (IA) depuis 2013. Un rapport parlementaire, publié en juillet 2024, fait le point sur l’usage de cette technologie dans le contrôle fiscal.
Des outils performants, mais des gains à prouver
Grâce à des technologies comme la reconnaissance optique de caractères (OCR), qui permet de convertir des documents papier en données numériques exploitables, et le data mining, la DGFIP a renforcé sa capacité à détecter les fraudes fiscales. Le data mining permet d’analyser de vastes volumes de données pour repérer des motifs, tendances ou corrélations, facilitant ainsi les prises de décision. Ces outils automatisent l’extraction d’informations et simplifient l’analyse des données, générant ainsi des gains de productivité. Entre 2016 et 2022, les effectifs de la DGFIP ont diminué de 15%, passant de 12 303 à 10 427 équivalents temps plein (ETP), en partie grâce à l’usage de ces technologies.
Cependant, le rapport souligne que les gains réels de productivité liés à l’intelligence artificielle restent difficiles à quantifier. Malgré une diminution des postes, il est impossible d’évaluer précisément quelle proportion est due à l’utilisation de l’IA.
L’importance des compétences humaines
L’usage de l‘intelligence artificielle ne remplace pas totalement l’intervention humaine. Les dossiers présélectionnés par l’IA font toujours l’objet d’une vérification par un agent fiscal pour confirmer la pertinence du contrôle. De plus, l’automatisation à l’échelle nationale a entraîné une perte de compétences dans les services déconcentrés, ce qui soulève des inquiétudes pour l’avenir de ces services.
Des résultats financiers encore flous
L’une des principales critiques du rapport parlementaire est l’absence de données précises permettant de mesurer l’efficacité financière du recours à l’intelligence artificielle dans la lutte contre la fraude fiscale. Contrairement à d’autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France ne dispose pas d’une estimation statistique de l’ampleur de la fraude fiscale. Il est donc impossible d’évaluer l’impact réel des contrôles automatisés.
La DGFIP n’a pas encore pleinement évalué le projet ‘ciblage de la fraude et valorisation des requêtes’ (CFVR), lancé pour un coût initial de 34,5 millions d’euros. Le coût total du recours à l’IA et au data mining depuis son lancement n’a pas non plus été calculé. Le rapport appelle à une évaluation complète de l’impact financier de ces technologies pour justifier leur usage à long terme.
Ce que l’IA pourrait apporter à la lutte contre la fraude
L’intelligence artificielle a le potentiel d’améliorer considérablement la lutte contre la fraude fiscale en automatisant la détection des anomalies dans les déclarations fiscales et les transactions. En croisant des millions de données, elle pourrait repérer plus rapidement des schémas de fraude complexes. Au-delà de la fiscalité, l’IA peut également s’appliquer à d’autres secteurs comme la banque ou l’assurance, pour détecter en temps réel des comportements frauduleux, renforçant ainsi l’efficacité globale des contrôles.
En conclusion, l’intelligence artificielle offre des perspectives prometteuses pour améliorer la lutte contre la fraude fiscale, mais ses résultats financiers et son efficacité à long terme restent à démontrer. Une évaluation rigoureuse des coûts et des gains liés à ces technologies est désormais indispensable pour continuer à justifier leur utilisation.